Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/129

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Wagner, et ses défauts ne nous resteront pas cachés. Mais il n’y a qu’un moyen, qu’une voie pour apprendre à connaître, c’est d’aimer. C’est seulement quand nous avons compris combien Wagner a profondément souffert, et souffert en raison même de son aspiration désintéressée à un idéal peut-être inaccessible, c’est seulement alors que « notre œil », comme dit Tristan, devient « capable d’apercevoir le Vrai », c’est seulement alors que nous commençons à concevoir qui était Wagner.

Le soir de la mort du maître, on trouva tout en pleurs, sur les degrés du palais Vendramin, le gondolier dont, journellement, il avait requis les services ; repoussant toute consolation, il se lamentait : « Un si bon maître ! Jamais je ne retrouverai son pareil ! » Trente ans auparavant, Bülow avait écrit : « J’oublie toutes les misères de la vie dans la société de cet homme grand et bon, comme dans une atmosphère libératrice. » L’artiste, comme l’humble gondolier, comprenaient tous deux Wagner, parce que tous deux l’aimaient. Je suis moi-même convaincu qu’il ne suffit, pour le connaître, ni de la sagacité critique la mieux aiguisée, ni de l’admiration la plus enthousiaste pour son génie et ses œuvres : c’est le cœur seul qui peut comprendre ce grand cœur.