Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/203

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ce qu’on vient de lire peut se résumer dans le passage suivant : « Savoir reconnaître, dans notre civilisation, le fruit menteur et avorté du genre humain fourvoyé, c’est la tâche propre de l’esprit de vérité. » (Héroïsme et Christianisme).

Voilà pour l’attitude négative de Wagner vis-à-vis de notre civilisation. On pourrait allonger à plaisir la liste des citations, et elle n’aurait pas de fin, si l’on voulait y faire figurer tout ce que Wagner a eu à dire contre notre État moderne, « qui ne vit que des vices de la Société » et contre « la Religion ecclésiastique, devenue impuissante » et « dépouillée du vrai Dieu ». Il ne s’agit ici que de la conscience d’une déviation démontrée en principe ; et celle-là, certes, ne lui a jamais fait défaut.

Cependant, dès le début, nous voyons Wagner occupé à rechercher les causes de cette déchéance. Nous pouvons constater que sa condamnation absolue de l’état actuel de l’humanité n’est point le fait de la mauvaise humeur, ni le résultat d’un pessimisme métaphysique trop envahissant. Les constants efforts qu’il fait pour emprunter à la philosophie, à l’histoire, aux sciences naturelles, une explication suffisante de la déviation qu’il découvre chez l’homme civilisé, ces efforts sont la preuve de sa foi inébranlable dans l’énergie interne de cet homme et de son espoir essentiellement religieux en l’avenir qui l’attend. Ici s’atteste aussi le poète, chez Wagner : l’affirmation de la volonté, la croyance à la puissance plastique de l’action personnelle sont les bases nécessaires de toute mission artistique. La négation absolue et l’art s’excluent réciproquement. Les Hindous, par exemple, avec leur prédisposition métaphysique si exceptionnellement dominatrice, enseignent expressément que « le salut