Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

populaire », tandis que ce qu’il y a de plus noble et de plus profond dans notre conscience est, au contraire, « la négation même de notre art d’à présent » ; comment « l’art véritable ne peut naître que sur le fondement d’une moralité véritable » ; et comment un art supérieur ne peut devenir accessible au peuple que sur le fondement « du symbole religieux d’un monde parfaitement moral ». Il ne serait pas sans importance non plus que nous insistions sur la lutte constante de Wagner contre la façon de concevoir l’art comme une notion abstraite, et en général contre toute théorie esthétique qui prétendrait imposer ses conclusions à l’artiste. Mais la place nous est mesurée ; et il nous suffira d’avoir indiqué les deux principes essentiels de cette partie de la doctrine artistique de Richard Wagner : le rôle éducateur, rédempteur, de l’art, et la nécessité pour l’art supérieur d’être un art collectif.


III


Il nous reste à savoir maintenant sous quelle forme pourra se manifester cet art supérieur. La réponse de Wagner à cette question est, d’ailleurs, suffisamment connue : la forme la plus haute de l’art, pour lui, est le drame.

Mais ici encore nous devons commencer par établir une distinction, faute de laquelle la conception wagnérienne du drame risquerait d’être comprise inexactement. Dans son écrit la Poésie et la Composition, daté de 1879, Wagner distingue trois degrés chez le ποιητής ; : le Voyant, le Poète et l’Artiste. Le Voyant est celui qui perçoit non pas l’apparence, mais l’essence des choses, « non pas la réalité, mais la vérité supérieure à toute