Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/281

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seul, et sans l’assistance d’un poète, n’eût pu se contenter de ces quelques mesures et d’une déclamation aussi simple, pour poignante qu’elle soit. Il devient ici manifeste que le poète-musicien, qui apparaît déjà dans le jeune homme de vingt ans, révélera un nouvel art au monde.

En ce qui concerne la musique de ces deux ouvrages, (et je ne juge la Défense d’aimer que d’après quelques fragments), ce qui m’y paraît être caractéristique, à la considérer dans son ensemble, c’est que, partout où le compositeur n’est pas absolument libre, et sauf là où le poème le pousse momentanément à l’invention personnelle, cette musique trahit un certain manque d’originalité. Mais aussi, partout où cette inspiration existe et agit, c’est bien le Richard Wagner authentique qui se lève devant nos yeux. Dans la Défense d’aimer, nous trouvons, par exemple, dans le chœur des nonnes, le pressentiment distinct de la « mélodie de la grâce », dans Tannhäuser. La partition des Fées contient des particularités de style qui font immédiatement penser à Parsifal. Qu’on compare, par exemple, dans un passage du premier acte, ainsi conçu :

« Ton œil ne brille plus pour moi !
Ton sein ne me réchauffe plus !
Aucun baiser ne vient calmer la soif de mes lèvres !
Ton bras ne m’embrasse plus ! »


la figure musicale qui sépare chaque vers du suivant, jouée alternativement sur le violoncelle, le violon, l’alto et la flûte : qu’on la compare à ce passage du second acte de Parsifal :

« Oui, cette voix ! ainsi elle l’appela,
Et ce regard… je le reconnais bien, etc. »