Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/345

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« manière personnelle dont on conçoit cet univers ». Et, s’il nous dit de l’Anneau du Nibelung : « En lui, ma vision universelle des choses avait atteint à son expression la plus complète », il n’en constate pas moins que l’énergie formatrice de son art y avait « mis, de plus en plus, à néant » ses essais d’une explication philosophique du monde.

Au reste, et en général, on exagère énormément la portée qu’a la pensée abstraite pour le travail et la création artistiques : lorsque Wagner jeta les premières bases de l’Anneau (en même temps que celles de son Jésus de Nazareth), il ne connaissait ni Feuerbach, ni Schopenhauer ; et cependant la forme modifiée que revêtit plus tard l’Anneau, alors qu’il était censé se trouver sous l’influence directe de Feuerbach, est bien moins « païenne et naturiste » que la première, et pourrait à bien plus juste titre être taxée de « chrétienne et pessimiste ». Et Parsifal, supposé comme rentrant dans la « phase de foi religieuse » a dépouillé le « Jésus de Nazareth » (1848) de tout élément dogmatique, historiquement et scientifiquement chrétien ! Il est certain qu’à un moment donné la pensée philosophique de Wagner se mut dans l’orbite de Feuerbach, à un autre, dans celle de Schopenhauer ; mais l’influence de Feuerbach ne l’entama que très superficiellement, et même Schopenhauer clarifia, plus qu’il ne la moula, cette pensée ; d’ailleurs, même si l’on voulait appeler « phases » ces derniers degrés qui conduisirent la pensée d’un homme de quarante ans à sa maturité pleine et définitive, encore n’est-on pas justifié le moins du monde à vouloir chercher et découvrir cette pensée dans ses œuvres. La vision universelle des choses, telle qu’elle se manifeste à nous dans Parsifal, est exactement la même que celle qui se