Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/348

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vit bientôt dans cette « communication à la pensée » un défaut essentiel ; il sentait le besoin de représenter clairement aux sens, dans une image scénique, toute cette connexion dans sa majestueuse unité. Ce fut ce qui le conduisit à entreprendre un nouveau drame : La Jeunesse de Siegfried. Mais là encore, il restait beaucoup à raconter, et ce sujet touchait de si près à la Valkyrie, que celle-ci devenait à son tour une nécessité poétique. La clé de voûte de l’imposant monument, ce fut enfin le prologue : l’Or du Rhin. Encore ne faut-il jamais oublier que Wagner n’a point, comme on le prétend quelquefois, créé son œuvre en procédant à reculons, à la façon des écrevisses, mais que, d’emblée, il avait formé ce projet complet, depuis le rapt de l’or par Alberich, jusqu’à la mort de Siegfried et de Brünnhilde. La genèse particulière du poème complet de la Trilogie provient de ce qu’au début le maître avait l’œil sur le théâtre ordinaire, la scène d’opéra, et avait, dès lors, à enfermer son dessein dans des bornes plus étroites ; mais plus tard, entraîné par la grandeur de son œuvre, il abandonna tout espoir de la réaliser sur ce théâtre donné, et du même coup, rejetant toutes les lisières qui en sont inséparables, put créer cette œuvre telle qu’il l’avait rêvée et conçue à l’origine.

Mais, dans le développement artistique de Wagner, il s’était passé, depuis 1848, un événement considérable : il avait pris conscience de la loi fondamentale du drame nouveau ! Et de même que, dans les Maîtres Chanteurs, il avait gardé l’ancien projet en en transposant l’action dans l’homme intérieur et en donnant ainsi libre champ à la toute-puissance de la musique, de même encore, ici, il fit pour l’Anneau du Nibelung.

Je désespérerais, dans le peu d’espace qui me reste à y consacrer, de pouvoir exposer clairement comment