Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/54

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saient qu’un, il ne pouvait y avoir qu’une langue, la sienne : et il s’en convainquit à Paris. Et si Mozart, comme il l’écrivait à son père (voir sa lettre du 29 mai 1778) « ne pouvait rien trouver, à Paris, qui lui donnât vraiment de la joie » sinon la preuve et la certitude qu’il était « un honnête allemand », Wagner devait y arriver à une conviction analogue. Déjà allemand de cœur, ses pérégrinations professionnelles lui avaient fait connaître les diverses branches du tronc germanique, mais ce ne fut qu’au contact de l’étranger qu’il put se rendre compte des différences profondes qu’il y a entre la nature allemande et la nature française. Son amour pour sa patrie allemande trouve de nouvelles ardeurs, il lui jure « une fidélité éternelle » un désir nostalgique le reporte en pensée vers tout ce qui jaillit du sol national, et il comprend, une fois pour toutes, que ce n’est que sur ce sol-là que son art peut trouver la sève nourricière nécessaire à sa pleine floraison. Le sujet des Fées avait été emprunté à un conte dramatique de Gozzi, la Défense d’aimer à une comédie de Shakespeare, Rienzi à un roman de Bulwer ; au milieu de la sombre détresse qui le presse à Paris, Wagner se tourne vers deux lumineuses et consolantes figures, Beethoven et Gœthe. Bien plus, le Faust de ce dernier ramène le jeune maître, au moment où il sent le génie national se préciser en lui, à la légende allemande ; el c’est à Paris que germent, au moins, Tannhäuser et Lohengrin ; à Paris, que Wagner commence ses longues études sur la légende et sur le mythe allemands, à Paris enfin qu’il écrit le Vaisseau Fantôme, œuvre, dit-il lui-même, « dont certaines cordes ne sauraient résonner que dans un cœur allemand ».