Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/65

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l’intraduisible élégance du style officiel : « Il lui fut accordé qu’il était peu fait pour son service, et l’intendant se réserva d’en faire, en temps opportun et à sa convenance, très humblement rapport à Sa Majesté. » On a prétendu, de divers côtés, que Wagner aurait fait preuve, à Dresde, d’une noire ingratitude ; il est bon de mettre fin à cette légende : en réalité, l’intendant n’attendait qu’une première occasion favorable pour se débarrasser d’un maître de chapelle qui lui semblait si incommode. Ce serait donc une erreur d’attribuer à la révolution qui éclata en mai 1849, et qui interrompit violemment les fonctions de Wagner, un rôle décisif dans ce tournant de sa vie. Les circonstances extérieures ne firent que brusquer la solution d’une crise qui existait, depuis longtemps, à l’état latent, précipiter une rupture désirée de part et d’autre. Aussi quand Wagner, frappé de proscription, dut prendre la fuite, bénit-il le destin, qui dénouait ainsi des liens devenus insupportables : « Ce Dresde », s’écrie-t-il, « serait devenu le tombeau de mon art ! »

Nous avons vu que Wagner, dès 1840, à Paris, s’était révolté, pour employer ses propres expressions, et était entré dans une « nouvelle voie. » Ses expériences, à Dresde, ne pouvaient que le pousser à s’engager plus avant. La frivolité constatée au théâtre le conduisit à se rendre compte aussi de la frivolité de la société entière de ce monde, et de son « pharisaïque souci d’art et de culture ».

« Ce fut en songeant à la possibilité d’un changement radical dans tout ce qui tient au théâtre, que j’en vins tout naturellement à reconnaître les vices fondamentaux de l’organisation politique et sociale, de cette organisation dont la condition faite à l’art, dans ses manifestations publiques, n’était que le résultat néces-