Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est entendue. Et cependant, il y a encore une légende, disons mieux, un mensonge éhonté, qui semble avoir la vie si dure qu’on ne saurait trop souvent le réfuter. Pendant l’été de 1849 se répandit le bruit que c’était Wagner qui avait mis le feu au vieil Opéra de Dresde ! Le maître ne perdit pas un instant pour protester contre cettelàche calomnie, « sortie de la fange que recouvrent la haute vertu et la générosité bourgeoises ». (Lettre à Liszt, du 9 juillet 1849.) L’anecdote, cependant, était si jolie, que la presse la colporta pendant des années, jusqu’à ce que l’impossibilité matérielle du fait vint à être si bien démontrée, qu’elle semblait enterrée à jamais. Et voici que le comte de Beust l’a ressuscitée pour en donner, dans ses Mémoires, une nouvelle variante, accusant Wagner d’avoir tenté d’incendier le palais des princes ! Et comme preuve à l’appui de sa parole, Beust affirme que Wagner aurait été condamné à mort par contumace. Heureusement qu’il y a à consulter ici une autorité plus compétente que la parole d’un grand seigneur, fût-il doublé d’un grand homme d’État ; je veux parler du Tribunal royal (Kœniglicher Amtsgericht) de Dresde. Ses registres attestent officiellement l’entière fausseté de ces deux allégations. Pour la première, il pourrait sans doute y avoir eu confusion avec le confiseur Waldemar Wagner, qui fut soupçonné d’être l’auteur de l’incendie ; mais quant à la seconde allégation, ce n’est qu’une invention pure et simple, une méchanceté sans excuse[1]. Certes, on ne saurait admettre que M. de Beust en soit l’auteur responsable, mais sa haine aveugle pour Wagner ne le disposait

  1. Voir les détails dans l’histoire de l’insurrection de Dresde, par William Ashton Ellis. A Vindication, Londres, 1892. Cet opuscule donne un résumé complet, d’après les sources officielles.