Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/99

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représentations du Tannhäuser, mais bien l’appprobation enthousiaste et sympathique d’une élite d’hommes distingués et indépendants.

Quant aux années de Vienne, il n’y a pas grand, chose à en dire. Beethoven s’écriait un jour, avec cette rude franchise qui lui était propre : « Maudite soit pour moi la vie au sein de cette barbarie autrichienne ! » Et pourtant les Viennois le considéraient volontiers comme un des leurs. Ce mélange particulier de légèreté méridionale et de pesanteur septentrionale, où l’on ne trouve ni ce brillant et ce sens intuitif de la forme qui distinguent les Latins, ni la profondeur et la solidité germaniques, cette « barbarie autrichienne », comme disait Beethoven, Wagner apprit à la connaître par de douloureuses expériences. À son arrivée à Vienne, il entendit son propre Lohengrin pour la première fois de sa vie. Pendant toute la soirée, le public se montra absolument transporté ; et ce fut avec une profonde émotion que Wagner, à la fin, prononça quelques paroles :« Permettez-moi»j dit-il, «de poursuivre le but artistique que je me suis fixé ; je vous prie de m’y aider, en me conservant votre faveur. » Ce fut cet accueil, que Wagner qualifie lui-même de « saisissant », qui le décida à ses entreprises viennoises ultérieures : mais il devait bientôt apprendre que, parmi tant de spectateurs enthousiasmés, il n’y en avait pas même quelques-uns qui fussent disposés à lui accorder le concours qu’il sollicitait ; cet enthousiasme était superficiel, passager, et pas une âme ne se souciait vraiment de ce but auquel il conviait ce public à coopérer. Ce n’avait pas été non plus l’enthousiasme des Viennois, mais uniquement le sens artistique de magnats hongrois et de membres de la noblesse de Bohême qui avait assuré l’existence