Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/391

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de son aveu, plusieurs momens de bonheur. Supposez qu’il soit dans une île enchantée, pourvue de tout ce qui est agréable à la vie, peut-être le désœuvrement lui eût-il rendu l’existence insupportable.

— Les idées des hommes sont comme les cartes et autres jeux. Des idées que j’ai vu autrefois regarder comme dangereuses et trop hardies, sont depuis devenues communes et presque triviales, et ont descendu jusqu’à des hommes peu dignes d’elles. Quelques-unes de celles à qui nous donnons le nom d’audacieuses, seront vues comme faibles et communes par nos descendans.

— J’ai souvent remarqué, dans mes lectures, que le premier mouvement de ceux qui ont fait quelque action héroïque, qui se sont livrés à quelque impression généreuse, qui ont sauvé les infortunés, couru quelque grand risque et procuré quelque grand avantage, soit au public, soit à des particuliers ; j’ai, dis-je, remarqué que leur premier mouvement a été de refuser la récompense qu’on leur en offrait. Ce sentiment s’est trouvé dans le cœur des hommes les plus indigens et de la dernière classe du peuple. Quel est donc cet instinct moral qui apprend à l’homme sans éducation, que la récompense de ses actions est dans le cœur de celui qui les a faites ? Il semble qu’en nous les payant, on nous les ôte.

— Un acte de vertu, un sacrifice ou de ses intérêts ou de soi-même, est le besoin d’une âme