Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/394

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loin de l’homme qui méprise l’argent, à celui qui est véritablement honnête.

— Le plus riche des hommes, c’est l’économe : le plus pauvre, c’est l’avare.

— Il y a quelquefois, entre deux hommes, de fausses ressemblances de caractère, qui les rapprochent et qui les unissent pour quelque temps. Mais la méprise cesse par degrés ; et ils sont tout étonnés de se trouver très-écartés l’un de l’autre, et repoussés, en quelque sorte, par tous leurs points de contact.

— N’est-ce pas une chose plaisante de considérer que la gloire de plusieurs grands hommes soit d’avoir employé leur vie entière à combattre des préjugés ou des sottises qui font pitié, et qui semblaient ne devoir jamais entrer dans une tête humaine ? La gloire de Bayle, par exemple, est d’avoir montré ce qu’il y a d’absurde dans les subtilités philosophiques et scolastiques, qui feraient lever les épaules à un paysan du Gâtinais doué d’un grand sens naturel ; celle de Loke, d’avoir prouvé qu’on ne doit point parler sans s’entendre, ni croire entendre ce qu’on n’entend pas ; celle de plusieurs philosophes, d’avoir composé de gros livres contre des idées superstitieuses qui feraient fuir, avec mépris, un sauvage du Canada ; celle de Montesquieu, et de quelques auteurs avant lui, d’avoir (en respectant une foule de préjugés misérables) laissé entrevoir que les gouvernans sont faits pour les gouvernés, et non