Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/414

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d’autres, finissent presque toujours par avoir une opinion horrible de la société. Ils croient connaître les hommes et n’en connaissent que le rebut. On ne juge pas d’une ville par ses égouts, et d’une maison par ses latrines. La plupart de ces magistrats me rappellent toujours le collège où les correcteurs ont une cabane auprès des commodités, et n’en sortent que pour donner le fouet.

— C’est la plaisanterie qui doit faire justice de tous les travers des hommes et de la société ; c’est par elle qu’on évite de se compromettre ; c’est par elle qu’on met tout en place sans sortir de la sienne ; c’est elle qui atteste notre supériorité sur les choses et sur les personnes dont nous nous moquons, sans que les personnes puissent s’en offenser, à moins qu’elles ne manquent de gaîté ou de mœurs. La réputation de savoir bien manier cette arme donne à l’homme d’un rang inférieur, dans le monde et dans la meilleure compagnie, cette sorte de considération que les militaires ont pour ceux qui manient supérieurement l’épée. J’ai entendu dire à un homme d’esprit : Ôtez à la plaisanterie son empire, et je quitte demain la société. C’est une sorte de duel où il n’y a pas de sang versé, et qui, comme l’autre, rend les hommes plus mesurés et plus polis.

— On ne se doute pas, au premier coup d’œil, du mal que fait l’ambition de mériter cet éloge si commun : Monsieur un tel est très-aimable. Il arrive, je ne sais comment, qu’il a un genre de