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1 84 OEUVRES

sentir que la soumission absolue à la discipline des camps et des combats, qui fait leur force contre les ennemis de la patrie, n’est pas exigible confrre la patrie clle-m.éme, et que le serment des guer- riers les lie à la nation encore plus qu’au roi. Le régiment des gardes-françaises, plus éclairé que le reste de l’armée par son séjour dans Paris, et particuli;’ rement animé d’un juste ressentiment pour s’être vu dans l’alternative d’être la victime des brigands du faubourg Saint-Antoine ou le bourreau de ses concitoyens, donna le premier les Dreuves d’un patriotisme déclaré. Deux com- pagnies de ce corps refusent, le 3 juin, de tirer sur le peuple. Un jeune homme, officier récem- ment sorti de cette brave légion, et, malgré tous les liens du sang qui doivent l’attacher à l’aristo- cratie, intrépide apôtre de la liberté, M. de Va- ladi, va, de caserne en caserne, prêcher les droits de l’homme, et rappeler à chaque soldat ce qu’il se doit à lui-même et ce qu’exige la patrie. Le suc- cès répond à son zèle : les gardes se mêlent avec le peuple et prennent part à tous les événemens qui intéressent la nation. En vain les chefs inquiets les consignent ; des cohortes entières sortent des casernes où elles étaient emprisonnées; et, après avoir paru par centaines, deux à deux, et sans armes, au Palais-Royal, et y avoir reçu lesapplau- dissemens dus à leur patriotisme, ils rentrent dans les mêmes casernes, sans causer aucun dé- sordre.