Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/228

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DK cnvAnour. 217

Élysées, retournent au galop dans l’enceinte des- tinée à leur rassemblement.

La nouvelle de cette irruption d’une troupe étransière dans un lieu consacré à des prome- nades paisibles, se répand aussitôt dans Paris: l’ef- fet qu’elle y produisit ne fut point la terreur, mais une indignation générale, un vrai soulève- ment. Chaque citoyen croit qu’on va l’attaquer dans ses foyers, et se tient prêt à les défendre. Des époux, des pères, des parens, alarmés pour leurs femmes, leurs enfans et leurs proches, qui, dans ce jour de délassement, étaient allés ou du moins avaient pu aller dans ce jardin et périr dans un danger si imprévu, redou- blèrent de haine pour un ministère qui se per- mettait de pareils attentats ; car, en ce moment, c’est aux ministres autant qu’au prince de Lam- besc qu’on imputait cette violence insensée. Ce fut elle qui poussa des hommes, jusqu’alors timides, à prendre parti contre le gouvernement. Tel bour- geois de Paris qui la veille eût frémi peut-être de cette seule idée et l’eût rejetée avec effroi, devint un ennemi mortel du ministère et de la cour. C’est ainsi que cette atrocité absurde du prince de Lambesc a servi puissamment la cause publique. La précipitation, en forçant les citoyens à se mettre sur la défensive, en même temps qu’elle décelait les projets de la cour, les dérangea et les fit échouer par la terreur qu’excitèrent, parmi les ministres, la promptitude et l’unanimité de l’in-