Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/303

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igi OEUVRES

faire un appui de ceux qui d’abord l’avaient fait trembler, et qui alors devenaient son escorte contre la multitude encore plus redoutable. Déjà il était au bas de l’escalier, lorsqu’un jeune homme, un inconnu, s’approche et lui présente son pisto- let. Traître, dit-il, tu n’iras pas p/us loin! Le ma- gistrat chancelé, et tombe. La foule se précipite sur son corps, le presse, l’étouffé, le perce, le déchire ; on lui tranche la tête, que l’on porte en triomphe au bout d’une pique, comme celle du gouverneur de la Bastille.

On a prétendu qu’avant de tuer M. de Flesselles, on lui avait présenté une lettre de lui, trouvée dans la poche de JNI. de Launay,et dans laquelle le prévôt des marchands disait à ce gouverneur • J’amuse les Paiisiens avec des cocardes et des pro- messes. Tenez bon jusqu’à ce soir y vous aurez du renfort. Cette anecdote est admise par deux histo- riens de la révolution qui paraissent avoir porté beaucoup de soin dans leurs recherches ; mais elle est contestée par un écrivain dont l’autorité n’a pas moins de poids, M. Dussault, qui a re- cueilli avec intérêt les principaux événemens de cette mémorable semaine. «Doutons, doutons, dit- il, jusqu’à ce que cette importante lettre, qu’on cherche en vain depuis six mois, nous ait été pro- duite. » Il est probable qu’elle ne le sera jamais ; mais il ne l’est pas moins que M. de Flesselles ne voulait pas la prise de la Bastille non plus que M. de Besenval, que peu de temps après un tri- bunal a renvoyé absous.