Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t5.djvu/264

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aS8 OEUVRES

Vous allez me répliquer que vous avez beau- coup d'amitié pour madame M ; qu'au mo- ment où vous avez pris la plume pour répondre à sa lettre, le sentiment a éveillé l'esprit chez vous. Je sais qu'il y en a des exemples ; que ce genre d'esprit est le meilleur, le plus rare et le plus aimable ; et que vous pouvez être dans ce cas : mais , de bonne foi , pensez-vous que cette excuse me rassin-e et me satisfasse? D'abord, il s'a- girait desavoir si M. Tronchin vonspermetle sen- timent. Cela m'étonnerai t beaucoup dans un mé- decin aussi habile , et qui connaît si bien la na- ture. Je doute très-fort qu'il vous ait rien pro- noncé là-dessus ; et vous êtes trop honnête pour le compromettre avec la faculté. On sait assez que le sentiment est presque aussi malsain que l'esprit ; et quoiqu'on soit dans l'habitude de le contrefaire et de le jouer encore davantage, par- ce que la chose est beaucoup plus facile, vous voyez que, dans le vrai, on se le permet assez rarement. Il est donc clair, mon cher ami, que votre excuse ne serait qu'une défaite ; et , au fond, je ne vois pas comment vous vous en tirerez.

La faute où vous venez de tomber d'une façon si humiliante, m'a fait revenir sur le passé, comme il arrive en pareil cas ; et je me suis rappelé que les deux dernières fois que j'ai eu le plaisir de vous voir, il s'en fallait bien que vous ne fussiez net; et même je me souviens de quelques réflexions un

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