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sur Chamfort.
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montrait autant de générosité à recevoir cette pension que l’autre à l’offrir.

Ce don de l’amitié lui servit d’abord à faire les frais d’un voyage de Contrexteville pour y prendre les eaux & y achever sa guérison. À son retour, la croyant parfaite, il alla demeurer seul à la campagne, pour se livrer enfin tout entier à des études selon son goût. Molière, La Fontaine & Racine en étaient les principaux objets : il les méditait sans cesse, ou tour-à-tour, ou souvent même tous à-la-fois, les comparant l’un à l’autre, & faisant des observations & des notes sur le génie particulier à chacun d’eux, sur l’art & sur le style.

Il avait déjà payé son tribut académique au premier : l’occasion se présenta d’en payer au second un semblable. L’Académie de Marseille proposa l’Éloge de La Fontaine : elle y était engagée par M. Necker, qui offrait un prix de cent louis : c’était une tournure délicate, imaginée pour obliger un autre homme de lettres, lequel avait d’avance composé cet Éloge, & l’avait lu dans la société de M. Necker : ni cette société, ni l’Auteur ne doutaient de l’heureuse issue de ce concours : il en eut une toute différente. Chamfort, de jour en jour plus épris de La Fontaine, excité d’ailleurs par les circonstances piquantes qui accompagnaient la couronne proposée, entreprit de l’enlever, & y réussit. Les deux ouvrages imprimés eurent, devant le public, le même sort qu’à l’Académie de Marseille : on en porte encore aujourd’hui le même jugement ; & celui de Chamfort est resté, comme un des morceaux les plus précieux que