Page:Chamfort - Maximes, Pensées, Caractères et Anecdotes, 1796, éd. Ginguené.djvu/306

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On sait que M. de Maurepas se jouait de tout ; en voici une preuve nouvelle. M. Francès avait été instruit par une voie sûre, mais sous le secret, que l’Espagne ne se déclarerait, dans la guerre d’Amérique, que pendant l’année 1780. Il l’avait affirmé à M. de Maurepas ; & une année s’étant passée, sans que l’Espagne se déclarât, le prophète avait pris du crédit. M. de Vergennes fit venir M. Francès, & lui demanda pourquoi il répandait ce bruit. Celui-ci répondit : c’est que j’en suis sûr. Le Ministre prenant la morgue ministérielle, lui ordonna de lui dire sur quoi il fondait cette opinion. M. Francès répondit que c’était son secret, & que, n’étant pas en activité, il ne devait rien au Gouvernement. Il ajouta que M. le Comte de Maurepas savait, sinon son secret, au moins tout ce qu’il pouvait dire là-dessus. M. de Vergennes fut étonné ; il en parle à M. de Maurepas, qui lui dit : je le savais, j’ai oublié de vous le dire.

M. de Tressan, autrefois amant de Made. de Genlis & père de ses deux enfans, alla, dans sa vieillesse, les voir à Sillery, une de leurs terres. Ils l’accompagnèrent dans sa chambre à coucher, & ouvrirent les rideaux de son lit, dans lequel ils avaient fait mettre le portrait de leur défunte mère. Il les embrassa, s’attendrit. Ils partagèrent sa sensibilité ;