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Sur Chamfort.

raient à profiter des folies du Despotisme pour établir la Liberté. Il donnait sans cesse aux premiers des conseils qui n’étaient point entendus ; toute leur confiance en lui s’évanouissait dès qu’il leur prédisait leur perte prochaine ; & tout ce qu’ils pouvaient faire en retour de ces preuves de son amitié, c’était de ne le point haïr.

Cette position difficile aurait pu devenir insoutenable ; mais M. de Vaudreuil quitta son hôtel, pour en habiter un plus magnifique qu’il venait d’acheter, & Chamfort qui l’aimait véritablement, sentant peut-être qu’ils seraient plus sûrs l’un & l’autre de la durée de leur amitié si le même toit ne les réunissait plus, saisit cette occasion d’une séparation nécessaire, & prit un petit appartement aux Arcades du Palais Royal. Ainsi le hasard amenait un ardent ami de la Liberté, auprès du lieu qui allait pour ainsi dire en être le berceau ; il amenait en même tems un philosophe paisible au centre des agitations & du tumulte inséparables de cette Liberté naissante.

La Révolution, dès son origine, l’absorba tout entier. Adieu les rêveries philosophiques, la poësie, les douces études ; il ne tenait plus en place : dès le matin, ou il allait trouver ceux qui agissaient alors le plus sur l’opinion publique, ou il les recevait chez lui. De sa tête active & féconde jaillissaient les idées de liberté, revêtues de formes piquantes. Jamais il ne fut plus habituellement en verve ; jamais il ne dit plus de ces