Page:Chamfort - Maximes, Pensées, Caractères et Anecdotes, 1796, éd. Ginguené.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxxvi
Notice

Politiques était une des troupes légères, ou si l’on veut des enfans perdus de la révolution : le ton en était courageux, violent & populaire ; aussi plaisait-il beaucoup au peuple & surtout aux armées : du reste Carra était employé depuis long-tems à la Bibliothèque dans une place secondaire, & Roland crut devoir récompenser ainsi son patriotisme & ses anciens services. Chamfort hésita long-tems avant d’accepter : malgré la gêne de sa position, il eût peut-être refusé, sans les conseils & les instances de ses amis, qui se sont repentis ensuite de l’avoir engagé à se mettre en vue, aux approches du tems où il n’y eut plus pour l’homme de mérite & l’homme de bien, de salut que dans l’obscurité.

Cependant comme ce fut sous le masque du patriotisme & au nom de la liberté qu’à cette époque déplorable on persécuta les patriotes & l’on établit la tyrannie, Chamfort était assez difficile à atteindre. Depuis le commencement de la révolution, il marchait sur la même ligne & en quelque sorte aux premiers rangs de la phalange républicaine. Nul n’avait plus constamment & plus hautement professé sa haine contre les Rois, les Nobles, les Prêtres, contre tous les ennemis de la raison & de la liberté ; nul n’avait supporté avec plus de courage & ses propres pertes, & les crises violentes qui avaient agité le corps politique, & cette espèce de réforme, ou si l’on veut, ce commencement de dégradation sociale, qui rangeant l’esprit parmi les objets de luxe, privait nécessairement l’amour-propre d’une partie de ses jouissances : quoique né bon sen-