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Notice

je croyais qu’il fallait retourner aux Madelonnettes, que j’ai en horreur : si j’avais su que ce fût au Luxembourg… je ne me serais peut-être pas tué… ; mais au reste j’ai toujours eu raison de faire ce que j’ai fait. »

Cependant les officiers de la section, le juge de paix & les commissaires avaient fini leurs opérations, & voulaient placer près du malade quatre sans-culottes qu’il fallait payer. Chamfort leur dit qu’il ne méritait pas tant d’honneur, que deux seraient assez pour ses besoins & beaucoup trop pour sa fortune. Alors entra dans la chambre, au milieu de tout ce monde, un homme bizarre, qui passe pour être fort savant en Grec, mais pour ignorer beaucoup d’autres choses ; & pour qui, après la mort funeste de Carra & la démission de Chamfort[1], on avait rétabli la place unique de Bibliothécaire[2]. Il avait appris cet accident, & venait s’assurer du fait : mais, dit-il, M. de Chamfort n’a donc pas lu mon discours contre le suicide ! C’est un ouvrage qui a eu beaucoup de succès. J’y prouve primo, secundo. Le voilà qui fait, sans qu’on l’en prie, tout l’extrait de son discours, personne ne lui répondant un

  1. À son retour des Madelonnettes, Chamfort fut appaiser ses persécuteurs en donnant sa dismission. Sa place fut offerte à l’honnête Ducis qui la refusa, quoique pauvre, parce qu’il trouvait avec raison indigne d’un homme de lettres de l’accepter en de telles circonstances.
  2. Il s’agit de Jean-Baptiste Lefebvre de Villebrune (1732-1809), nommé Bibliothécaire (nov. 1793) après un court intérim de Jean-Baptiste Coeuilhe (1731-1801). Il est notamment l’auteur du Manuel d’Épictète : en grec, avec une traduction française ; précédée d’un discours contre la morale de Zénon d’Élée, & contre le suicide (1783). (Note wiki)