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générales.

cillo qui dévorait les Indiens de Saint Domingue, & qui avait la paie de trois Soldats ?

On souhaite la paresse d’un méchant & le silence d’un sot.

Ce qui explique le mieux comment le malhonnête homme, & quelquefois même le sot, réussissent presque toujours mieux, dans le monde, que l’honnête homme & que l’homme d’esprit, à faire leur chemin, c’est que le malhonnête homme & le sot ont moins de peine à se mettre au courant & au ton du monde, qui, en général, n’est que malhonnêteté & sottise, au lieu que l’honnête homme & l’homme sensé, ne pouvant pas entrer si-tôt en commerce avec le monde, perdent un tems précieux pour la fortune. Les uns sont des Marchands qui, sachant la langue du pays, vendent & s’approvisionnent tout de suite, tandis que les autres sont obligés d’apprendre la langue de leurs vendeurs & de leurs chalands, avant que d’exposer leur marchandise, & d’entrer en traité avec eux. Souvent même ils dédaignent d’apprendre cette langue, & alors ils s’en retournent sans étrenner.

Il y a une prudence supérieure à celle qu’on qualifie ordinairement de ce nom ; l’une est la prudence de l’Aigle, & l’autre, celle des Taupes. La première consiste à suivre hardiment son caractère, en