Page:Chamfort - Maximes et pensées éd. Bever.djvu/23

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étaient devenus sa seule ressource, jusqu’à ce qu’il n’y eut plus d’Académie ; contre toutes les idolâtries, toutes les servilités, toutes les courtoisies, jusqu’à ce qu’il n’existât plus un seul homme qui osât se montrer empressé à lui plaire ; contre l’opulence extrême, jusqu’à ce qu’il ne lui restât plus un ami assez riche pour le mener en voiture ou lui donner à dîner. Enfin il se déchaîna contre la frivolité, le bel esprit, la littérature même, jusqu’à ce que toutes ses liaisons, occupées uniquement des intérêts publics, fussent devenues indifférentes à ses écrits, à ses comédies, à sa conversation. Il s’impatientait d’entendre louer son Marchand de Smyrne comme une comédie révolutionnaire ; il s’indignait même qu’on se crût réduit à tenir compte de si faibles ressources pour servir une si grande cause. Je ne croirai pas à la Révolution, disait-il souvent en 1791 et 1792, tant que je verrai ces carrosses et ces cabriolets écraser les passans. Voici une anecdote qui le caractérise : le lendemain du jour où l’Assemblée constituante supprima les pensions, nous fûmes, lui et moi, voir M-[armontel] à la campagne. Nous le trouvâmes, et sa femme surtout, gémissant de la perte que le décret leur faisait éprouver ; et c’était pour leurs enfans qu’ils gémissaient. Chamfort en