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Les Voyages de Champlain.

ou cinquante lieuës iuſques au premier ſault, & vient du coſté du Nort-Noroueſt. Ledict port de Tadouſac eſt petit, où il ne pourroit[1] que dix ou douze vaiſſeaux ; mais il y a de l’eau aſſés à l’Eſt, à l’abry de la ditte riuiere de Sagenay, le long d’vne petite montaigne qui eſt preſque coupée de la mer. Le reſte, ce ſont montagnes haultes éleuées, où il y a peu de terre, ſinon rochers & ſable remplis de bois de pins, cyprez[2], ſapins, & quelques manieres d’arbres de peu. Il y a vn petit eſtang proche dudit port, renfermé de montaignes couuertes de bois. A l’entrée dudict port, il y a deux poinctes : l’vne, du coſté de Oueſt, contenant vne lieuë en mer, qui s’appelle la poincte de Sainct Matthieu[3] ; & l’autre, du coſté de Su-Eſt, contenant vn quart de lieuë, qui s’appelle la poincte de tous les Diables[4]. Les vents du Su & Su-Sueſt & Su-Soroueſt frappent dedans ledict port. Mais, de la pointe de Sainct Matthieu iuſques à la pointe de tous les Diables, il y a prés d’vne lieuë ; l’vne & l’autre pointe aſſeche de baſſe mer.

  1. Le verbe pouvoir s’employait alors activement, en parlant de la capacité des objets.
  2. Comme il n’y a pas de vrai cyprès en Canada, on pourrait croire d’abord que Champlain veut parler ici du pin gris, que nos Canadiens appellent vulgairement cyprès, et que l’on trouve surtout dans les environs du Saguenay ; mais, outre que Champlain mentionne ici le pin d’une manière générale, si l’on compare les différents endroits où il parle du cyprès, on en viendra à la conclusion qu’il a voulu par ce terme désigner notre cèdre (thuja), qui est un arbre très-commun dans toutes les parties du pays ; tandis que le pin gris ne s’y rencontre pas partout. La chose devient évidente, si l’on fait attention que les feuilles du thuja ont beaucoup de ressemblance avec celles du cyprès. « Ses feuilles, dit Du Hamel, en parlant du thuja (Traité des Arbres et Arbustes), sont petites, comme articulées les unes aux autres, et elles ressemblent à celles du cyprès. »
  3. Dans l’édition de 1613, Champlain l’appelle encore pointe Saint-Matthieu, « ou autrement aux Alouettes. » Aujourd’hui elle n’est plus connue que sous ce dernier nom.
  4. Aujourd’hui la pointe aux Vaches. Cette pointe a changé de nom du vivant même de l’auteur. Dans l’édition de 1632, elle est appelée pointe aux roches ; mais il nous semble évident que ce dernier nom doit être attribué à l’inadvertance de l’imprimeur : car Sagard, qui publiait, cette année-là même, son Grand Voyage au pays des Hurons, mentionne cette pointe à plusieurs reprises, et l’appelle absolument comme nous