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DE LA NOUVELLE-FRANCE

la culture de leurs mains. De ma part je pourvoirai à ces besoins autant que ma santé me le pourra permettre [1]. »

Au moment où Talon terminait cette lettre, M. de Saint-Lusson arrivait de sa rude expédition à Pentagouet. Il était littéralement épuisé, accablé de fatigue et de faim, car les vivres lui avaient fait défaut durant son voyage de retour. Il rapportait à l’intendant d’intéressantes nouvelles. Le long du Penobscot et du Kennebec il avait traversé des établissements anglais bien bâtis, dans de belles plaines. On l’y avait accueilli en prince, au bruit du canon et des mousquetades, et l’on avait témoigné une grande joie de voir Pentagouet entre les mains du roi de France, avec des droits probables sur toute la région arrosée par ces rivières. N’était-ce là qu’une comédie inspirée par la crainte, ou bien la manifestation d’un sentiment sincère, qui faisait désirer à ces étrangers d’être sujets de Louis XIV ? On pouvait se poser cette question. Mais ce qui est certain, c’est qu’ils avaient chargé l’officier français de faire à l’intendant des propositions que celui-ci lui défendit de déclarer à qui que ce fût[2]. Talon désirait vivement que Saint-Lusson se rendit en France pour communiquer à Colbert toutes ces informations relatives à l’Acadie et aux frontières. Mais il craignait un moment que son état de faiblesse ne l’empêchât d’affronter l’Océan cet automne. Cependant le courageux explorateur put se

  1. Arch. prov., Man. N.-F. vol. I ; Collection de Manuscrits, I, p. 217.
  2. Talon à Colbert, 11 nov. 1671 ; Collection de Manuscrits, vol. I, p. 218. — Il est évident que Talon laissait complètement M. de Courcelle de côté dans toutes ces démarches.