Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
JEAN TALON, INTENDANT

sieur de Courcelle et les officiers du Conseil Souverain de Québec à tout ce qui sera praticable pour parvenir à un bien si nécessaire ». Ici il y avait beaucoup à redire. D’abord, l’éparpillement signalé n’était pas si considérable que les instructions pouvaient le faire croire. En 1665 la Nouvelle-France se réduisait à trois centres : Québec, Trois-Rivières et Montréal. La population totale ne s’élevait pas à 3,000 âmes. Les deux tiers étaient groupés à Québec, et autour de cette ville. Aux Trois-Rivières et à Montréal, on retrouvait un groupement analogue. En soi, la dispersion n’était donc pas excessive. Nous admettons que, vu l’effroyable et navrante condition de la colonie, vu l’audace non réprimée des bandes iroquoises, qui étaient venues faire des prisonniers jusque sous le canon de Québec, la situation des colons, même de ceux qui étaient éloignés d’une demi-lieue à peine des forts et des villes, était néanmoins périlleuse. Mais cela était dû à l’abandon coupable où les compagnies et les gouvernements avaient trop longtemps laissé le Canada. Il était incroyable que l’on eût permis pendant de longues années aux sinistres leveurs de chevelures des Cinq Cantons de porter le fer et la flamme jusqu’au cœur de la colonie. Leur audace impunie était devenue sans bornes. À Montréal, ils s’embusquaient, la nuit, près des maisons, à l’affût du gibier humain. Ils couchèrent plus d’une fois dans la cour de l’Hôtel-Dieu de Ville-marie, dissimulés comme des fauves au milieu des grandes herbes, ainsi que dans la cour des sœurs de la Congrégation et sous les fenêtres de Mademoiselle Mance[1].

  1. Histoire de la colonie française en Canada, par l’abbé Faillon, vol. III, pp. 4 et 5.