Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/120

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Pour calmer la fureur des puissants manitous.
Par moments les grands flots échevelés et fous
― Que nos yeux trompés voient choir du ciel sur la terre ―
Dans un apaisement subit, semblent se taire.
Et soudain notre oreille émerveillée entend
L’ineffable solo d’un rossignol chantant
Sur un mouvant rameau qui surplombe la chute.
Mais aussitôt des trils de hautbois et de flûte,
Des sons mystérieux, d’indicibles accords,
Des éclats de clairons, de bugles et de cors,
Auxquels le sifflement de la balle se mêle,
Couvrent l’hymne suave et pur de Philomèle,
Et, redits par l’écho dolent comme un adieu,
Montent vers l’impassible infini du ciel bleu.
Puis ce concert sans nom, dont la plage frissonne,
Redevient un long bruit discordant, monotone,
Étourdissant, sinistre, effroyable, angoissant.

Nous venons de toucher enfin le bord glissant
Du gouffre, où maintenant un soleil d’or flamboie ;
Et, moites de l’embrun qui jaillit et poudroie
Sous la brise berçant tout près hêtre et bouleau,
Nous regardons crouler les ondes. Quel tableau !
Nul peintre extasié, que la nature enflamme,
Nul poète portant un brasier dans son âme,
Ne pourrait sur la toile ou dans l’airain des vers
Exprimer la splendeur des aspects si divers