Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/121

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Que sous le dais ombreux de la forêt compacte
Déroule la farouche et lourde cataracte.
Oui, devant l’Ouiatchouan tout art est impuissant.
Voyez !. voyez !. Des flots de lait rougi de sang,
Des feuilles de platine et des grappes de perle,
Roulent dans l’eau qui choit, tourne, écume et déferle.
A nos yeux, tour à tour charmés et stupéfaits,
L’agate et le rubis confondent leurs reflets,
Des paillettes d’argent, des lamelles de cuivre,
Des filigranes d’or, des étoiles de givre,
Des pétales d’iris, de rose, de muguet,
D’éblouissants flocons de neige et de duvet
Tourbillonnent sans fin dans la masse mouvante
Dont la vaste clameur jette au bois l’épouvante,
Et, mêlant leurs éclats à ceux du diamant,
Font de ce lieu d’horreur un lieu d’enchantement,
Sur qui cependant flotte un voile de tristesse.

Les mille glas des eaux semblent croître sans cesse,
Et nous sentons en nous brûler plus ardemment
La fièvre du vertige et de l’effarement.

Quelqu’un va-t-il un jour mettre fin au supplice
Du blanc torrent poussé vers le noir précipice ?
Non, non. Le torturé furieux vainement
Tentera d’échapper à l’engloutissement ;