Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/189

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Où le soleil plus chaud fait les prés plus féconds,
Les Canadiens songeaient à fuir des bois profonds
Qui naguère tombaient sous la cognée active,
Pour s’en aller planter leurs tentes sur la rive
Qu’abrite maintenant l’étendard étoilé.
Mais les nobles pasteurs du troupeau désolé
Qu’à sa vieille rivale abandonnait la France,
Elevèrent la voix, montrant le gouffre immense
Où sa langue, ses mœurs et sa foi pourraient choir,
S’il allait lâchement déserter le terroir
Qu’à la pointe du soc, et tout fiers de leur rôle,
Avaient jadis conquis les enfants de la Gaule.
Aussi, prêtant l’oreille aux avertissements
Que leur donnaient ces chefs généreux et cléments,
Qui, tout émus encor des récentes batailles,
Étouffaient dans leur cœur la voix des représailles
Et de leurs conquérants pardonnaient les affronts,
Nos pères, résignés, inclinèrent leurs fronts
Devant l’arrêt du sort, et, sans trahir la France,
Au drapeau d’Albion jurèrent allégeance,
Et restèrent aux bords fécondés de leur sang.

Toujours ainsi guidé, notre peuple naissant
Prodigieusement, prospéra sous l’égide
D’une puissance aussi vaillante que rigide.
Sa loyauté fut sainte, et, lorsque l’étranger
Traversa la frontière, on le vit se ranger,