Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/93

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Leur métier est bien dur ; mais aucun ne recule
― Le nom de sa concern lui tient lieu de drapeau ―
Quand il lui faut risquer sa chemise ou sa peau.

Roulant et décrochant pins, cèdres et mélèzes,
Se butant aux cailloux, s’enfonçant dans les glaises,
Parfois de l’eau jusqu’à la ceinture, au mitan
De remous qui feraient crier gare à Satan,
Narguant rapide, chute, embarras, fondrière,
La gang descend le cours grondant de la rivière,
Et ne s’arrêtera que lorsque le dernier
Des logs, sous les rayons du soleil printanier,
Qui fait miroiter bois, étang, grève, cascade,
Enfin aura touché la dernière estacade.

Un des grands scows, chargé de victuailles, suit
Les flotteurs, en rasant le rivage où bruit
Le fouillis des roseaux que la brise balance.
Ce qui sort, en un jour, de ce scow est immense,
Mais à peine assouvit la faim de tels mangeurs ;
Et les robustes gars, goulus et tapageurs,
Quand le cook, à midi, crie : ― Ohé ! par icite !
Accourent, en poussant des cris, vers la marmite
Que voilent à demi les flocons blancs et chauds
Exhalés par la soupe et les épais briquots.