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Pauvres professeurs ! Si encore ils pouvaient changer leur fusil d’épaule, et enseigner la nouvelle langue ! Mais non, l’Espéranto s’apprend tout seul, sans maître, en deux petites heures, disent les uns, ou un mois au plus.

Quant aux quarante immortels, ils n’auront plus à s’occuper du fameux dictionnaire français ; mais un de leurs collègues, M. le général Sébert, de l’Institut, leur a trouvé de la besogne ; comme je l’ai dit plus haut, il écrit : « L’Académie devra forcément intervenir un jour pour la préparation des vocabulaires techniques spéciaux qui seront nécessaires pour compléter les manuels d’usage courant actuel. »

Un espérantiste auquel je communique les réflexions qui me précèdent me dit : « Je reconnais que beaucoup de mes collègues se laissent aller à un enthousiasme regrettable ; vous exploitez, et c’est votre droit, ces excès et vous signalez les conséquences excessives qui pourraient en résulter ; mais tous ne sont pas aussi « emballés ». Un certain nombre, dont je suis, sont plus modérés et bornent leur ambition aux voyages et au commerce à l’étranger. »

Voilà qui est plus raisonnable.

Il y a donc déjà dans l’Espéranto deux partis : une extrême gauche et une droite.

Je me permettrai de soumettre à ces modérés les réflexions suivantes :

La clientèle restreinte sur laquelle vous vous rabattez n’est-elle pas d’ores et déjà à peu près accaparée par une langue vivante, l’anglais ? Vous n’aurez pas, je pense, la hardiesse d’aller élever une concurrence sur ce point spécial dans le pays même de langue anglaise, vous seriez mal reçus.

De ce chef, vous perdez la clientèle de 150 millions des hommes les plus commerçants et les plus voyageurs du monde et des centaines de millions de leurs sujets et protégés coloniaux.

Voyons si vous serez plus heureux auprès des autres nations.