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un long sermon. Il raconte la chose à son gendre : « Virginie vous dira que ce n’est pas ce qui m’a le plus amusé ; mais Virginie se trompe : le sermon était de l’abbé Frayssinous, et, quoiqu’il fût mauvais et hors-d’œuvre, il m’a plu[1]. »

Il croyait à une certaine Providence, je ne sais laquelle, mais à une Providence, amie de l’humanité et surtout infiniment indulgente à ses faiblesses. C’est son cœur qui lui avait, pour ainsi dire, dicté sa philosophie. On peut dire que toute sa vie a été consacrée à améliorer le sort matériel de ses semblables. L’amour de l’humanité était sa religion.

Je relève ces mots dans une de ses lettres. Il s’agit du sentiment de l’amitié : « Toute la théorie du matérialisme ne peut pas étouffer ce doux sentiment dans un cœur qui n’est pas corrompu ou déplacé. C’est un exemple terrible (il s’agit d’un fils brouillé avec son père) de ce que peut produire le dégoût des vraies jouissances, auquel mène une vie dissolue ou une philosophie peu éclairée[2]. »

Il ne faut pas oublier qu’il avait été un partisan enthousiaste de l’École de Montpellier ; s’il en avait abandonné certaines théories, après que Lavoisier en eut montré l’inexactitude, on peut dire cependant que sa philosophie date de là.

  1. Lettre au baron de Laage, 29 juin 1819.
  2. Lettre à son fils, 29 mars 1810.