Page:Chaptal - Mes souvenirs sur Napoléon.djvu/18

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circonstances qui ont tellement changé mes habitudes scolastiques et influé sur le temps de ma vie qui va suivre, que je ne puis les omettre.

Le fils d’un de mes amis, M. Coustou, devait soutenir ses thèses générales au collège de Montpellier. Ses respectables parents et lui m’invitèrent à y assister, je m’y rendis. L’assemblée était nombreuse et brillante ; je fis d’abord quelques questions à l’élève ; je lui donnai des éloges ; mais, ayant éprouvé quelque embarras pour répondre à mes arguments, son professeur (M. Léger) voulut prendre la parole, et, dès lors, la discussion s’engagea entre ce dernier et moi ; je le pressai si fort et de si près qu’il resta muet, et, comme on dit, il fut mis au sac ; le maître et l’élève rougirent, et je proclamai leur défaite. Je ne jouis pas longtemps de ma petite victoire, car, revenant bientôt à mes sentiments naturels pour cette respectable famille, je me sentis dévoré du chagrin de l’avoir humiliée, et mon cœur soulevé contre moi me fit expier pendant longtemps la peine que je lui avais faite. Depuis ce jour, je me suis abstenu de toute argumentation et j’ai pris en aversion les subtilités scolastiques, qui n’ont pas d’autre but que de tendre des pièges à la raison.

À peu près à cette époque, je me liai d’amitié avec M. Pinel (devenu célèbre à Paris), qui, doué d’un esprit sain et cultivé, nourri des bons principes de la médecine, était venu fortifier, à Mont-