Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/19

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avait gardée de son ami, image d’enfance qui durerait en dépit des retouches, aussi longtemps que lui-même. Après les salutations, les deux hommes faisaient le point depuis la dernière rencontre.

— Tu as appris la mort de mon père ?

— Il avait passé soixante-quinze ans, je crois ?

— Soixante-seize, mais plein de sève jusqu’à la maladie qui l’a emporté. Il a étonné tous les médecins qui l’ont approché.

Georges avait peu connu le père de Lucien. Celui-ci disait : « Nous avons été élevés ensemble ». Et c’est ainsi qu’il se rappelait leur enfance tant ils avaient été liés, mais en fait leurs familles ne se touchaient que par eux. Leurs parents ne se voyaient jamais. Leurs maisons n’étaient pas dans la même rue. Adolescents, une certaine gravité devant la vie les rapprochait. Ils fuyaient d’un commun accord les jeux de mains et les conciliabules que tenaient à la porte des salles de billard les jeunes matamores de l’époque.

— Le fils de Marcel est allé te voir, dit Lucien.

— Oui, et depuis je brûle de te demander ce que devient ton beau-frère. J’ai essayé d’obtenir de ses nouvelles du jeune homme,