Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/20

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mais je m’y suis sans doute mal pris, car il a éludé ma question.

À la réflexion, il était évident que Mayron ne voulait à aucun prix parler de son père. En revanche, il s’était présenté à Georges comme le neveu de Guilloux et l’ami de son fils Jean. « Nous sommes un peu parents », avait-il dit en souriant à l’écrivain qui ne l’avait pas détrompé. Aux yeux de Georges, Mayron n’avait aucune raison de ne pas parler de son père.

Georges et Lucien, entrés au « National » le même jour, avaient passé le même examen et fait côte à côte leurs premières armes. Le journal dissident occupait alors, dans le quartier de la Bourse, un vaste immeuble de cinq étages, vétuste et détérioré, dont le revêtement de pierres grises, assis sur une arcade de cinq colonnes, commençait à la hauteur du premier étage. Les fenêtres, enduites de poussière, avaient l’opacité du métal. En entrant, Georges se défendit mal contre une impression de désolation. Cette impression s’accentua encore quand, pénétrant dans le portique, il se trouva devant un vieil escalier aux marches creusées qu’une ampoule crasseuse éclairait d’un jour sinistre. À sa gauche, une porte dépolie portait en lettres d’or sur le vitrage