Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/21

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de ses battants les mots Administration et Publicité. Derrière cette porte, s’alignaient autour d’un comptoir élevé, la cage grillagée du caissier, le guichet des annonces classées et le cabinet de lecture. Au-delà, s’agitait un menu peuple de gens affairés et silencieux : femmes ridiculement accoutrées dans des défroques d’un autre âge, commis en veston d’alpaca et en manches de lustrine. Au milieu de ce monde blafard et terrorisé régnait Joseph Chuart, grand vieillard au teint couperosé, aux yeux globuleux et à la lèvre inférieure tordue dans un pli d’universelle désapprobation. C’était le grand argentier. Il se penchait sur un livre, au-dessus de l’épaule d’un gratte-papier, posait une question et s’éloignait dédaigneusement sans attendre la réponse. Sur son passage les crayons se figeaient, un visage anxieux blêmissait, des épaules se courbaient plus bas. Georges ne tarderait pas à apprendre que même les journalistes — dont il épluchait les comptes — redoutaient ses colères.

Le secrétaire de la rédaction, Maxime Pillier, l’œil et le teint verdâtres, le crâne recouvert d’un immonde duvet jaune, la bouche largement fendue, d’un contour indéfini, attendait les débutants au haut de l’escalier. Obséquieux, il leur ouvrit la porte, sourit en