Page:Charencey, Histoire de l'abbaye de la Trappe.pdf/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
HISTOIRE DE LA GRANDE-TRAPPE.

saurions guère en douter : le Triomphateur voua solennellement son enfant au Très-Haut en qualité de Nazaréenne.

On admit généralement que le Nazaréat mêm perpétuel (car il en existait un temporaire et, le plus souvent, d’assez courte durée) n’interdisait pas le mariage à l’homme. Effectivement, celui-ci demeurait, en toute occurrence, le chef de la communauté et ses devoirs vis-à-vis de sa compagne ne l’empêchaient pas de rester l’esclave du Seigneur. À coup sûr, les choses se passaient autrement, lorsqu’il s’agissait d’une personne du sexe féminin. Comment eut-elle pu se soumettre aux lois et volonté d’un époux, la vierge destinée à n’avoir d’autre seigneur et maître que Jéhovah ?

Un peu plus tard s’offrent à nos regards les collèges de Prophètes, gloire du Carmel, et qui font remonter leur origine à Élie en personne. Les membres de ces antiques congrégations menaient une existence austère et mortifiée.

Voici maintenant les Réchabites qui n’étaient même pas Juifs d’origine, mais bien de race Cinéenne. Leur histoire n’en reste pas moins étroitement unie à celle du peuple élu. Après avoir habité d’abord le nord-ouest de l’Arabie ou plutôt la région de Madian, ils se joignent à la postérité de Jacob pour aider celle-ci dans la conquête de la Terre Promise. Nous les trouvons, ensuite, fixés sur la rive occidentale de la mer Morte, aux environs d’Enggadi. On ignore quel nom les désigna à l’origine. Ce qui est certain, c’est qu’ils tirent celui sous lequel la Bible nous les fait connaître de Réchab, fils de Jonadab. Ce dernier, au temps de Jéhu, roi d’Israël, donna une sanction religieuse aux pratiques en vigueur chez ses contribuas. Aussi, par respect pour les prescriptions du pieux réformateur, refusèrent-ils constamment d’abandonner la vie nomade et de chercher un autre abri que la maison mobile de l’habitant du désert. L’élevage de nombreux troupeaux constituait d’ailleurs leur seule ressource et leur occupation exclusive. Aux jeux des Orientaux, la poétique existence du pasteur n’a-t-elle pas toujours revêtu un caractère plus noble, plus sacré même que celle de l’agriculteur, du fellah, péniblement incliné vers le sol qu’il féconde de ses sueurs ?

Par la suite, toutefois, des descendants de ces vieux bergers semblent avoir occupé, dans le temple, certains emplois que nous n’entreprendrons pas ici de déterminer. On croit, enfin, retrouver quelques vestiges de l’institution Réchabite jusque vers les débuts de notre ère[1].

L’abstinence du vin pratiquée par les sectateurs de Jonadab a été invoquée comme preuve de leur affiliation à l’ordre des Nazaréens. Cependant la légitimité de cette manière de voir reste, douteuse. Rien de moins hygiénique que l’usage de liqueurs fermentées sous un climat sec et brûlant comme celui de la Palestine, et l’idée d’impureté à lui attribué pourrait bien remonter aux origines même de la race Sémitique. Suivant toute apparence, Mohammed en prohibant, au moins d’une manière générale, l’emploi de toute boisson enivrante, n’a fait que reprendre une tradition déjà fort ancienne en Arabie.

  1. Dissertation sur les Réchabites ; p. 55 et suiv. du t. XIV de La Sainte Bible en latin et en français, avec des notes, etc. (Paris, 1822).