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ARCHITECTURE.

mées par les cataclysmes des premiers âges, il les rectifie et il les recreuse en catacombes. Le même génie qui l’avait porté à mesurer les sons pour en créer la musique le porte à mesurer l’étendue, à peser les corps et à en créer les surfaces, pour créer l’architecture.

On conçoit maintenant pourquoi les hommes veulent de la proportion dans un édifice. Mais qu’est-ce que la proportion ? C’est l’existence d’une mesure commune entre les diverses parties d’un tout. Un corps a des proportions lorsqu’un de ses membres sert de mesure à chacun des autres et au tout. C’est là ce que les Grecs appelaient symétrie. Nous attachons, nous, au mot symétrie un autre sens, puisqu’il signifie seulement, dans notre langue, la correspondance des parties droites avec les parties gauches. La nature, encore une fois, n’a point mis de proportion dans les créations minérales et végétales. « D’après la grosseur d’un arbre, dit Quatremère (Dictionnaire d’Architecture), on ne pourra déterminer la grosseur de ses branches, ni conclure de la grandeur des branches à la grandeur de l’arbre, car on sait combien de hasards rendraient cette induction trompeuse si on en voulait généraliser la règle. Chaque animal, au contraire, est organisé d’une manière tellement constante dans son espèce, et les rapports de ses membres avec son corps sont tellement uniformes, qu’une seule partie vous fait connaître la mesure du tout. À l’ongle on connaît le lion. »

Un édifice où l’on ne verrait ni ordre, ni symétrie, ni proportion,. paraitrait l’œuvre du hasard, ce qui veut dire d’une puissance intelligente et aveugle. Or, l’homme, par cela même qu’il est le seul être intelligent de la création, désire manifester son intelligence dans ses ouvrages. Pour cela il les fait en quelque sorte semblables à lui-même, en leur imprimant le caractère de son esprit, qui est la logique, et le caractère de son corps, qui est la proportion. Chose admirable ! l’architecture n’emploie que des matières inorganiques, la pierre, le marbre, la brique, le fer, et le bois quand il n’a plus de sève, c’est-à-dire quand il a cessé d’être une substance organique ; et cependant, sous la main de l’architecte, ces matières inertes vont exprimer des sentiments et des pensées. En les soumettant aux lois de l’ordre, de la symétrie et de la proportion d’une manière sensible aux regards, il leur communique une apparence de vie, il leur prête un organisme conçu à l’image du sien propre. Par cette proportion artificielle, la nature inférieure est élevée à la dignité du règne organique ; elle est rendue expressive, éloquente, et elle devient capable d’exprimer l’âme d’un artiste et souvent l’âme de tout un peuple.

Mais il en est des édifices humains comme du corps de l’homme. L’ordre, la symétrie et la proportion n’y sont voulus rigoureusement que dans l’appareil extérieur. Au dedans, ce n’est plus la beauté générale qui commande, c’est la vie individuelle. Si nous regardons l’intérieur du