Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
ARCHITECTURE.

employées le plus souvent, que dans les bâtiments privés ou rustiques. Toutefois la construction en bois est soumise, comme les autres, à ce principe général, qu’il faut mettre en évidence les données essentielles de la construction. On devra donc rendre les assemblages du bois aussi apparents que ceux de la pierre, au moins dans les murs de façade. C’est ainsi que l’ont toujours entendu les architectes provinciaux de l’ancienne France. Il serait contraire à la dignité de l’art et à ses fins de couvrir les bois d’un enduit pour leur donner un faux air de maçonnerie, et encore plus d’y figurer des refends et des bossages pour indiquer l’emploi des pierres de taille là où il n’y a qu’un système de charpente dont les vides sont bouchés par un remplissage de briques ou de petits moellons. C’est à l’architecte de changer en élégance la nécessité qui s’impose à lui, comme ont su le faire les montagnards suisses. Au moyen des sculptures qui peuvent décorer les poteaux et les sablières, c’est-à-dire les pièces verticales et horizontales, au moyen des couleurs, qui seront ici employées fort à propos pour conserver le bois et pour en égayer l’aspect, l’artiste compensera du moins par un agrément pittoresque la légèreté d’une matière qui, ne pouvant garder l’invariabilité de ses angles, ne saurait offrir aux regards la majesté d’une pesanteur inébranlable, ni faire naître l’espérance d’une éternelle durée. « Sans doute, sous le rapport de l’art, dit M. Léonce Reynaud (Traité d’Architecture), un mur en pierres de taille produit, à un certain point de vue, un meilleur effet qu’un pan de bois ; il a quelque chose de plus monumental ; il annonce plus de puissance, il promet plus de durée et un meilleur abri ; et cependant tel est sur notre esprit l’empire du vrai, tel est le charme de la naïveté, que la vue des vieilles maisons bâties en bois par nos pères dans quelques provinces ne nous cause pas moins de plaisir que celle des constructions contemporaines en pierre. On les comparerait volontiers aux fabliaux du moyen âge ou aux gracieuses poésies légères de la Renaissance. Il y a là un genre d’attrait tout particulier que nous demanderions en vain à des compositions plus importantes ou d’un goût plus sévère. »

Ainsi que nous l’a montré l’architecture des Chinois, la construction en charpente est essentiellement gaie parce qu’elle permet de faire prédominer franchement les vides sur les pleins, et qu’elle se prête aux décorations les plus variées. Ces Gaulois dont nous admirions tout à l’heure le naïf bon sens, ils ont employé le bois avec infiniment d’intelligence et de goût. Même à cette époque du moyen âge que notre imagination se représente sous des couleurs sombres, ils ont su introduire un élément de gaieté dans leur architecture familière en faisant servir les grandes portées du bois aux larges ouvertures, comme on en voit tant d’exemples à Saint-Malo, et lorsqu’ils se trouvaient resserrés par les besoins de la défense dans des rues étroites, tortueuses et obscures, ils se procuraient à l’intérieur, au moyen de murailles en vitrage, autant de lu-