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ARCHITECTURE.

tends celles qui sont situées entre le palais et le jardin. Le portique de l’ancien hôtel Soubise (occupé aujourd’hui par le Dépôt des archives) serait un des plus charmants ouvrages de notre architecture sans les piédestaux sur lesquels on a hissé les colonnes de la grande cour. Ces piédestaux malencontreux exprimait d’ailleurs un mensonge, car ils semblent faits après coup pour raccorder l’ancien niveau du monument avec le niveau actuel du pavé. Le piédestal sous la colonne est donc un membre inutile, déplaisant, nuisible, lorsqu’il est employé dans un portique au rez-de-chaussée. Mais il a une raison d’être quand la construction a plusieurs étages et que le pavé de la colonnade est beaucoup plus élevé que le niveau commun du sol. Les colonnes peuvent alors porter sur un massif de maçonnerie formant piédestal continu, ou bien sur des socles séparés, mais reliés entre eux par une balustrade d’égale hauteur, qui remplira les entre-colonnements. Nous en avons des exemples dans la belle colonnade du Louvre et au Garde-Meuble. Si les colonnes n’avaient pas, cette fois, de piédestal, il faudrait les percer et en rompre la ligne pour établir la balustrade d’appui ou la grille en fer, nécessaire aux habitants du palais. D’un autre côté, dans un édifice riche et somptueux, ce balcon évidé est toujours préférable à un mur continu, parce que le spectateur placé sur le pavé de la ville aperçoit d’en bas à travers les jours de la grille ou les balustres, les hôtes élégants que lui cacherait un appui massif en pierres de taille.

Ainsi les règles de l’architecture sont le plus souvent conditionnelles ; mais les lois de ce grand art n’en son t pas moins absolues dans le relatif, car elles reposent toutes sur la logique de l’esprit humain, et il faut bien reconnaître que le goût n’est souvent, en fin de compte, que le raffinement de la raison, le côté senti et délicat du simple bon sens.

Dans l’architecture grecque, les colonnes ne présentent généralement qu’une diminution bien sensible, celle qui, commençant au pied du fût et se continuant jusqu’à la naissance du chapiteau, donne au support l’apparence d’un cône tronqué. Il en est ainsi pour les colonnes des fameux Propylées d’Athènes, qui furent dessinées par Mnésiclès, et pour celles du petit portique en retour, appelé la Pinacothèque. Mais quelques monuments appartenant aussi à la grande époque présentent des colonnes légèrement renflées. Ce renflement, que les Grecs appelaient entasis (ἔντασις), se remarque, par exemple, dans le petit temple de Pæstum, celui qu’on regarde comme l’atrium. Les colonnes de ce temple se gonflent insensiblement avant de prononcer leur diminution, de sorte que la ligne partie du chapiteau, au lieu d’être nue ligne droite jusqu’au sol, est une courbe dont la convexité se fait sentir avant d’arriver aux deux tiers du fût. En sens inverse, si l’on élève au pied de la colonne une perpendiculaire, cette ligne, après avoir dépassé le tiers du fût, s’en écartera de telle sorte que le diamètre, dans son plus grand rétrécissement, c’est-à-dire au sommet