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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

s’allonge sensiblement ; il diminue environ d’un cinquième lorsque la main s’ouvre. L’unité de mesure est donc égale au médius droit de la main étendue, et le médius se mesure naturellement à partir de sa première articulation (qu’il ne faut pas confondre avec la saillie du métacarpe).

Et de quelle importance n’est pas, dans les arts, la découverte de cette mesure, si vénérable par son antiquité, si admirable par sa justesse ! Ce qui reparaît ici, après plus de deux mille ans, n’est-ce point le célèbre canon de Polyclète, tant vanté par les écrivains antiques, et dont la tradition était déjà perdue du temps de Vitruve ? Perfectionnant le système tracé par un autre sculpteur fameux, Pythagore de Rhégium, Polyclète avait composé un traité sur les proportions du corps humain, et, pour joindre l’exemple au précepte, il avait traduit en marbre ses propres leçons. La statue qu’il modela pour expliquer son écrit, et qui fit l’admiration de toute la Grèce, représentait un garde du roi de Perse, armé d’une lance : un doryphore. À cette figure normale Polyclète donna le même nom qu’à son livre ; il l’appela le canon c’est-à-dire la règle par excellence. Mais quelle était la loi des proportions dans la statue de Polyclète ? Voilà ce que l’on ne savait point, et voilà ce qui est pourtant expliqué, clairement pour nous, dans un passage de Galien, dont la portée, sinon le sens, a échappé jusqu’à présent à tout le monde. Il résulte de ce passage que le doigt était le point de départ de toutes les mesures de Polyclète, la clef de toutes les harmonies du corps humain. «  Il pense, dit Galien[1] (en parlant de Chrysippe), que la beauté consiste non dans la convenance des éléments (le froid et le chaud, l’humide et le sec), mais dans l’harmonie des membres, savoir, dans le rapport du doigt avec le doigt, des doigts avec le métacarpe et le carpe, de ces parties avec le cubitus, du cubitus avec le bras, et de tous ces membres avec l’ensemble du corps, ainsi qu’il est écrit dans le canon de Polyclète. »

Il est sans doute regrettable que le médecin grec n’entre pas dans de plus grands détails ; mais il en dit assez pour nous faire comprendre que l’étalon de Polyclète ; était le même que celui des Égyptiens. Les méthodes

  1. Voici le texte grec, que nous faisons suivre, pour plus de commodité, de la traduction latine :

    « Τὸ δὲ ϰάλλος οὐϰ ἐν τῇ τῶη στοιχείων, ἀλλ’ἐν τῆ τῶν μέρων συμμετρίᾳ συνίστασθαι νομίζει, δἀϰτύλον δηλονότι, ϰαὶ συμπάντων αὐτῶν πρός τε μεταϰάρπιον ϰαὶ ϰαρπόν, ϰαὶ τούτων πρός πῆχυν, ϰαὶ πῆχεως πρὸς βραχίονα, ϰαὶ πάντων πρὸς πάντα, ϰαθάπερ ἐν τῷ Πολυϰλείτου ϰανόνι γέγραπται.

    « Pulchritudinem vero non in elementorum, sed in membrorum congruentià, digiti videlicet ad digitum digitorumque omnium ad palmara et ad manùs articulum, et horum ad cubitum, cubiti ad brachium, omnium denique ad omnia posilam esse censet ; perinde atque in Polycleti normà litteris mandatum conspicitur. » (Galien, De Hippocratis et Platonis Decretis, liv. V, p. 255 de l’édition in-folio de Venise, 1565.)