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hier même, dans votre Bruxelles, de témoins oculaires revenus du Congo. Ils sont ici et peuvent me démentir. L’un d’eux m’a

    pillards pour les arrêter et leur demander compte de leur invasion sur le terrain de la Mission, pendant que les autres, avec le P. Guillemé et le F. Jérôme, gardent la maison et rassurent les fugitifs. Arrivée à environ 250 mètres de notre enceinte, notre avant-garde se trouve en présence des Rouga-Rouga qui ont passé, drapeau rouge en tête, à travers les villages, fait main basse sur tout ce qu’ils ont trouvé, choses et gens, et sont en train de poursuivre quelques fuyards éperdus dans les hautes herbes d’une vallée.

    L’effectif de notre personnel dans notre enceinte murée se composait d’environ cent hommes armés de fusils (dont une dizaine à tir rapide mais avec peu de cartouches), près de deux cents sauvages avec des lances, de trois à quatre cents femmes et autant d’enfants y compris notre orphelinat, total : environ mille personnes.

    Nous voilà donc sur le qui-vive et à garder notre colline, nous mettant nous-mêmes sous la garde de Dieu. Mais la nuit approche ; les Wangwana ne trouvant plus personne sur leur passage occupaient sans coup férir les villages environnants, et immédiatement ils se mettaient à faire main basse sur tous les objets qui se trouvent à leur portée. Nous les voyons du haut de notre butte attraper les volailles, arracher les cultures et voler tout ce qu’ils trouvent, dans les cases, et que les pauvres habitants n’ont pu emporter dans leur fuite précipitée. Nous aurions pu les inquiéter dans leur pillage en leur envoyant quelques projectiles avec les fusils à longues portée, mais nous préférions savoir enfin à quoi nous en tenir pour nos chrétiens et parlementer avec eux. Ils répondirent à notre appel cette fois-ci et dirent qu’ils étaient bien les hommes de l’Arabe Mohammed et que leur chef de troupe n’allait pas tarder d’arriver. En effet, ce lieutenant arriva vers six heures et demie, et ne pouvant venir lui-même jusque près de nous, à cause d’un mal de jambe vrai ou prétexté (on ne sait trop ce qu’il faut croire quand un Mgwana parle), il nous envoyait un billet pour nous dire que son maître avait reçu de Saïd Bargash des instructions pour ne pas piller chez les blancs, et que sa troupe venait simplement battre les nègres du pays. En même temps il nous envoyait une femme indigène (la belle-mère d’un de nos chrétiens) qui avait été capturée dans un des villages, et nous disait que le lendemain, de bonne heure, on arrangerait bien toutes les affaires.

    Enfin, nous savons à quoi nous en tenir pour nos gens, et nous les rassurons en leur disant de bien prier pour qu’il n’y ait pas de guerre ;