Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/438

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plus vaste, et avec un caractère de classe plus marqué.

Et tout d’abord, il est nécessaire que l’ensemble des ouvriers organisés attache un très grand prix à l’objet en vue duquel est déclarée la grève. Ni les décisions des congrès corporatifs ni les mots d’ordre des comités ouvriers ne suffiraient à entraîner la classe ouvrière dans une lutte toujours redoutable. Pour affronter les privations et la misère, même pour échapper aux influences du milieu dont on est enveloppé, il faut une grande énergie. Or, cette énergie ne peut être suscitée dans toute une classe que par une grande passion. Et la passion à son tour n’est excitée dans les âmes, à ce degré où elle devient agissante et combattante, que par un intérêt à la fois très grand et très prochain, par un objet très important et d’une réalisation immédiate.

Par exemple on comprend très bien que les corporations les mieux organisées, les plus conscientes, sous l’action d’une propagande étendue et précise, arrivent à se passionner pour la journée de huit heures, pour les retraites de vieillesse et d’invalidité, pour l’assurance sérieuse et certaine contre le chômage. On comprend, si les pouvoirs publics résistent ou éludent, que la classe ouvrière, dans la profondeur de sa conscience, accumule assez d’énergie et de passion pour déclarer une grande et