Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/441

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

restera ensevelie sous terre : les navires ne pourront même plus aborder les quais où nul ouvrier ne déchargera les marchandises. Partout, arrêt de la circulation, de la production. Naturellement, il y aura un grand malaise. Les masses ouvrières, en arrêtant la production et les échanges, se seront affamées elles-mêmes ; elles seront ainsi acculées à la violence, pour se nourrir, pour saisir vivres et denrées là où ils se trouvent. Elles seront acculées aussi à frapper d’épouvante les privilégiés, menacés dans leurs personnes et dans leurs biens par l’inévitable colère du prolétariat dont les souffrances séculaires seront comme exaspérées par la crise de misère et par la faim. De là d’inévitables conflits entre la classe ouvrière et les gardiens affolés du système capitaliste. De là, par conséquent, au bout de quelques jours, le caractère révolutionnaire de la grève générale. Et comme la force capitaliste sera dispersée par la nécessité même de surveiller le mouvement le plus étendu et le plus divers, comme notamment l’armée de répression sera disséminée, noyée dans le vaste flot, le prolétariat aura dissous l’obstacle où jusqu’ici il se brisait, et maître enfin du système social, il installera le travail souverain.

Voilà la conception. Je ne dis pas qu’elle ait ce degré de netteté chez tous les théoriciens de la grève