Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/455

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d’abord au combat une forme économique, elle n’assigne pas aux forces ouvrières un but unique et central où elles puissent converger. Elle resteront sur place, aux abords du puits de mine déserté, au seuil des usines abandonnées. Ou si les prolétaires prennent possession de la mine, de l’usine, ce sera une prise de possession toute fictive. C’est un cadavre qu’étreindront les ouvriers ; car la mine, l’usine ne sont que des corps morts quand la circulation économique est suspendue, quand la production est arrêtée. Tant que l’ensemble de l’appareil social n’est pas possédé et gouverné par une classe, elle a beau s’emparer matériellement de quelques usines et chantiers, elle ne possède rien : ce n’est pas être maître de la circulation que de tenir dans ses mains quelques cailloux de la route déserte.

Il ne resterait donc plus aux forces ouvrières, étonnées de leur impuissance dans leur apparente victoire, que la ressource de détruire. Mais à quoi serviraient ces actes de destruction, sinon à marquer d’un caractère de sauvagerie le soulèvement du prolétariat ? Qu’on observe bien que la tactique révolutionnaire de la grève générale a pour objet et pour effet de décomposer la vie économique et sociale, de la morceler. Arrêter les locomotives, immobiliser les navires, refuser aux machines de