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II


Par quelles raisons la Révolution, après avoir proclamé le droit de la société à régler la transmission des biens, usa-t-elle de ce droit pour soumettre toutes les successions à la loi du partage égal, pour lier aussi étroitement la volonté de l’ascendant ? Elle donna trois raisons, l’une de combat, mais d’éternel combat ; les deux autres, essentielles.

Elle déclara d’abord que dans les grands mouvements humains, dans les grandes crises révolutionnaires les pères étaient trop souvent attachés au passé ; qu’au contraire, les générations nouvelles comprenaient les temps nouveaux. Il était donc imprudent de laisser aux pères le droit de punir, en les déshéritant, ceux de leurs enfants qui soutenaient l’ordre nouveau et se dévouaient au progrès de l’humanité. Laisser aux pères l’entière disposition de leurs biens, c’était leur permettre de récompenser et de fortifier ceux de leurs enfants qui flatteraient leurs préjugés ; c’était accroître, par conséquent, la puissance pesante du passé, la prolonger sur la société nouvelle. Le seul moyen d’ouvrir la route à l’avenir, c’était d’assurer à tous les enfants, et à ceux-là mêmes dont la hardiesse inquiétait le conservatisme naturel des pères, une