Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/560

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de constituer au profit de son fils aîné un véritable droit d’aînesse, qui fût comme le prolongement bourgeois du droit d’aînesse d’ancien régime ? Qui l’empêchait même, si sa volonté de testateur était souveraine, de préciser que le bien qu’il léguait à son fils aîné devait être par celui-ci légué à son propre fils aîné, et ainsi de suite pendant plusieurs générations ?

C’était ce qu’on nommait le droit de substitution, qui constituait une propriété intangible, dont la volonté du testateur, créant à travers le temps toute une série de privilégiés, déterminait d’avance, et pour plusieurs générations, la transmission héréditaire. C’était là un débris du régime féodal, un prolongement de l’esprit de caste, qui perpétuait sur la tête d’enfants et de petits-enfants privilégiés l’orgueil de la fortune et du nom. Ainsi, par un curieux paradoxe, ou plutôt par une naturelle conséquence, l’exercice souverainement libre de la volonté individuelle aboutissait à la restauration bourgeoise de la caste nobiliaire. La plénitude de la propriété individuelle, exerçant son droit au delà même du tombeau, reconstituait, au moins en partie, le régime féodal. Et il était impossible à la bourgeoisie révolutionnaire de prévenir la renaissance de celui-ci sans limiter, et presque supprimer, jusque dans la transmission des propriétés