Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/571

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projeté, pour tout traîner en longueur, pour user les capitaux dans une attente improductive, ou pour obliger la ligne à des détours absurdes et ruineux.

La grande bourgeoisie capitaliste de Louis-Philippe ne l’entend pas ainsi. Et en mai 1841, elle obtient une loi d’expropriation qui met à sa merci les propriétés individuelles. Non seulement la loi prévoit que les canaux et les voies ferrées doivent bénéficier du droit d’expropriation pour cause d’utilité publique, mais elle décide que quand il y a urgence, les compagnies capitalistes pourront prendre possession des terrains non bâtis avant le règlement définitif de l’indemnité. Que le propriétaire paysan maugrée, s’emporte et plaide. Son champ sera saisi, et la voie triomphale tracée par les grandes compagnies y appesantira ses nervures de métal avant que le conflit relatif à l’indemnité soit résolu.

Proudhon, avec une sorte d’ironie exaltée et victorieuse, notait à propos de cette loi de 1841 les contradictions de la propriété bourgeoise, obligée ainsi, pour son propre développement, de se nier elle-même. En vain, au parlement même, des protestations s’élevaient et les inquiétudes se manifestaient. En vain Villemain et bien d’autres s’écriaient-ils que la charte, gardienne de la