Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/572

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propriété, était violée, que la propriété même était menacée. Les exigences combinées de la civilisation et du capitalisme emportaient tout.

Oh ! Je sais bien qu’ici encore nous ne sommes pas sortis du système de la propriété individuelle. La valeur de la propriété subsiste aux mains des individus ; la forme seule en est changée. Mais quand ce changement de forme se produit dans de telles proportions, quand pour les travaux des communes, de l’État, des départements, des grandes compagnies concessionnaires, l’expropriation pour cause d’utilité publique fonctionne ; quand des millions de propriétaires sont obligés d’abandonner leur propriété à la puissance sociale, même contre indemnité ; quand tous les liens d’habitude et d’affection par lesquels la propriété tient au cœur de l’homme sont brisés ; quand le capitalisme lui-même, ne tenant compte ni des convenances, ni des souvenirs, ni même des intérêts, substitue une valeur abstraite et indifférente à la propriété réelle, substantielle, particulière, qui souvent faisait corps avec l’individu, j’ai le droit de dire que la société bourgeoise elle-même a créé, sous sa légalité propre, des précédents formidables d’expropriation.